mercredi 12 décembre 2012

Duke Ellington : Ocean's Eleven, L'écume des jours et Broadway



Duke Ellington est l’un des plus grands compositeurs américains, ayant écrit près de 2000 pièces.  Grand pianiste et band leader, cela va de soit que sa contribution au jazz est immense : son utilisation inventive des « big bands », son éloquence et son incroyable charisme ont apparemment élevé la perception du jazz en une forme artistique.

Ellington naît en 1899 à Washington et commence dès l’âge de 7 ans à apprendre le piano. Sa mère, Daisy, lui apprend à être élégant et fait en sorte que son fils soit entouré de nombreuses femmes pour renforcer ses bonnes manières. Ses amis remarquent sa grâce naturelle et son allure de jeune homme noble, lui valant rapidement le surnom de « Duke ».

Durant l’été de 1914, il compose sa première pièce, « Soda Fountain Rag », alors qu’il travaillait dans un café. N’étant pas encore capable de lire ou d’écrire la musique, il retient sa mélodie à l’oreille. Par la suite, Ellington commence à faire quelques spectacles dans les clubs et cafés de Washington. Son attachement pour sa ville natale est si fort qu’il refuse une bourse pour la prestigieuse Pratt Institute. Éventuellement, il déménage à Harlem, devenant une figure du mouvement de la Renaissance de Harlem.

La carrière de Ellington le mène à devenir band leader. La particularité de ce band leader est qu’il dirigeait à partir de son piano, utilisant des gestes et accords au piano pour conduire ses musiciens. Reconnu pour son charme et son humour, Ellington était loin d’être sévère, utilisant plutôt sa personnalité pour mettre de l’ordre.

Après avoir eu un grand succès dans les années 30, Ellington perd en popularité. En 1956, il joue au Newport Jazz Festival et donne une prestation qui passera à l’histoire. Imaginez la scène : il est près de minuit, le claviériste est en retard. Ellington prend la décision de commencer, malgré la soirée bien avancée. Il présente des pièces de son répertoire oublié par le public, avec un interlude par le saxophoniste Paul Gonsalves. L’interminable et épique solo de Gonsalves, l’énergie de Ellington, la folie de la foule et les coups de minuit loin derrière ont résulté en une performance comme jamais vue et entendue auparavant. La soirée a fait la une des journaux internationaux, a eu droit à la première page du Time Magazine, pour finalement être mis sur disque. Le vinyle en question demeure à ce jour le meilleur vendeur de Ellington.

Puisque sa carrière a duré près de 6 décennies, Ellington a connu (et résisté) à plusieurs nouveaux genres de musique : swing, bebop et R&B. Il a même dit du swing : « Le jazz, c’est de la musique. Le swing, c’est de la business ». Il a aussi son opinion sur le bebop, disant que ce genre est « comme jouer au Scrabble sans les voyelles ». Finalement, dans un autre ordre d’idées, il a aussi émis un commentaire sur la grande Peggy Lee, en mentionnant : « Si je suis le Duke, Peggy Lee est la Reine ».

Ellington a connu plusieurs hits durant sa carrière, comme « Mood Indigo », « It don’t mean a thing », « Sophisticated Lady », « Solitude », « In a sentimental mood », « Caravan » et « Take the A train ». Le pianiste fait le tour du monde, jouant partout sur la planète jusqu’à sa mort, en 1974.



Musique
Côté musique, il est évident que Duke Ellington a laissé sa marque. Voici quelques manifestations actuelles de son héritage :

La chanteuse Norah Jones a lancé en 2004 son 2ème album, Sunrise, contenant la pièce « Don’t Miss You At All ». La chanson en question est adaptée de « Melancholia » de Ellington, à laquelle Jones a ajouté des paroles. Le résultat est une pièce simple, jazzée et…mélancolique.

Des centaines d’albums et pièces ont rendu hommage à Ellington. Parmi les pièces les plus connues, on dénote « The Duke » par Dave Brubeck, « He loved him madly » par Miles Davis et « Sir Duke » par Stevie Wonder ». Ella Fitzgerald, Thelonious Mok, Dizzy Gillespie, Tony Bennett, Oscar Peterson et André Prévin sont d’autres quelques exemples de musiciens ayant dédié des pièces aux légendaires pianistes.


Broadway détient aussi un morceau de Duke Ellington dans sa culture, plus particulièrement avec la comédie musicale Sophisticated Ladies. Cette dernière est basée sur la musique de Ellington, qui avait d’ailleurs une pièce intitulée « Sophisticated Ladies ». La comédie musicale a été à l’affiche en 1981.

Cinéma
Duke Ellington a contribué à plusieurs bandes sonores au cours de sa carrière, mais a aussi fait quelques apparitions. Sa trame sonore la plus connue demeure Anatomy of a Murder, film dans lequel il fait d’ailleurs une apparition. La musique du long-métrage est aujourd’hui considérée comme une œuvre significative selon les historiens en cinéma. Selon ces derniers, la musique, marqué par le jazz, évite les stéréotypes culturels, contrairement à ce que se faisait avant. Dans le film, Ellington joue Pie-Eye, le propriétaire d’un restoroute, où deux personnages ont une confrontation.


La pièce « Caravan » fait aussi partie de la trame sonore du populaire film Ocean’s Eleven. La pièce, jouée par Arthur Lyman, peut être entendue lors que Rusty et Danny rencontrent Yen, alors qu’il performe un numéro d’acrobatie dans un cirque.

La musique de Ellington a aussi joué dans d'autres films, notamment dans The Artist, The Notebook, Chocolat, The Matrix, The Big Lebowski, The Addams Family et plusieurs autres.

Finalement, Duke Ellington sera représenté au cinéma par nul autre que Morgan Freeman, dans le film The Jazz Ambassadors, à venir en 2013.

Littérature
Plusieurs ont lu durant leurs années au secondaire le livre de Boris Vian, « L’écume des jours ». À la lecture du roman, il devient évident que Duke Ellington est fortement présent à travers les pages. D’abord, le personnage de Chloé a un prénom inspiré par une chanson de Ellington, intitulé « Chloe (Song of the Swamp) ». Swamp, voulant dire marais en français, réfère aussi à la maladie qui afflige la personnage, c’est-à-dire un nénuphar au poumon. Finalement, le jazz est présent à travers les pages ; Vian écrit délibérément quelques mots avec la lettre Z (doublezons, zonzonner), faisant référence aux deux z de « jazz ». Avec le film qui sortira en salles au printemps 2013, on peut espérer d'entendre beaucoup de Duke Ellington dans la trame sonore!

Duke Ellington partage son amour pour la littérature avec ses albums, dont plusieurs sont influencés par des romans. D’abord, Ellington a mis en musique le bouquin Sweet Thursday de John Steinbeck, avec son album Suite Thursday.

L’album Such Sweet Thunder, quant à lui, est une suite de 12 parties inspirée par Othello de William Shakespeare.

Bonne écoute!


2 commentaires:

  1. Bel hommage à Duke Ellington. Saviez-vous que Ravi Shankar (décédé en décembre 2012) a "jammé" avec le Duke et Dizzy Gillespie dans les années cinquante à New York ? ( je ne crois pas qu'il existe d'enregistrement). Je vous dis ça parce que Nora Jones est une des filles de Shankar...

    http://www.thevillager.com/?p=3474

    http://www.deccanherald.com/content/298349/norah-jones-says-father-ravi.html

    ;-)

    Patrice Leroux

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  2. Je savais que Ravi Shankar et Norah Jones était père et fille, mais je n'étais pas au courant que Ellington et Shankar avaient déjà jammé ensemble. Cela fait plus de sens maintenant que sa fille s'inspire d'un ancien "collègue" de son père pour sa musique. Merci de l'info!

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