dimanche 16 décembre 2012

Noël tout en jazz



Avec le temps des fêtes à nos portes, je vous propose aujourd’hui mes albums préférés pour un Noël jazzé. Calmé, énergique, nouveau et ancien, il y en a pour tous les goûts! 


1.     Vince Guaraldi Trio : A Charlie Brown Christmas (1965)
Ne vous laisser pas avoir par l’allure simplette de la pochette ; A Charlie Brown Christmas est l’un des albums de Noël les plus vendus de tous les temps et un incontournable incontesté du temps des fêtes. Composée pour accompagner un épisode « spécial Noël » de la populaire émission, la musique de Vince Guaraldi est douce, relaxante et jazzée, reflétant à la perfection l’humour, le charme et l’innocence de Charlie, Snoopy et la bande de Peanuts. Les chauds accords au piano de Guaraldi, ainsi que le duvet dont nous enveloppe le bassiste et le batteur, rappellent les légers flocons de neige tombant du ciel, les magnifiques arbres d’une blancheur scintillante et le bon chocolat chaud après une journée d’hiver passée à jouer dehors. Petite confession : j’aime tellement cet album qu’il est difficile pour moi de ne pas l’écouter à l’année longue. Je résiste, bien entendu, mais j’ai toujours très hâte à la première neige pour replonger dans ce disque.

 
2.     Brian Setzer Orchestra : Boogie Woogie Christmas (2002)
Pour un Noël énergique et un brin humoristique, voici l’album Boogie Woogie Christmas de Brian Setzer, guitariste du défunt groupe rockabilly Stray Cats. Voguant dorénavant dans le swing, Brian Setzer nous fait ici voyager à bord de son traîneau, avec sa guitare, son orchestre de cuivres et son imitation des chanteurs rétro. Le musicien revisite les classiques, tout en apposant sa touche, autant du côté du style musical que des paroles. Il ajoute par exemple au populaire « Jingle Bells » les mots suivants : « Oh what fun it is to ride in a ’57 Chevrolet". Setzer et son orchestre explorent même la musique classique, s’aventurant dans Casse-Noisette de Tchaikovsky avec « The Nutcracker Suite ». Amusant, groovy et hautement plaisant, si Boogie Woogie Christmas ne vous fait pas danser, il vous fera au moins taper frénétiquement du pied.


3.     The Puppini Sisters : Christmas with the Puppini Sisters (2010)
Largement inspirées par les Andrew Sisters, les Puppini Sisters font revivre les années 1940, transposant à notre époque les harmonies de cette ancienne décennie, mais aussi le charme et la naïveté associés aux robes à pois. Avec un orchestre style « big band », le trio d’anglaises a concocté un album de Noël parfaitement balancé, aux accents vintage et modernes à la fois. En effet, les Puppini Sisters revisitent autant les incontournables des fêtes (« Winter Wonderland », « Let It Snow ») que les nouveaux classiques, tels que « Step Into Christmas » de Elton John, « Last Christmas » de Wham, ou même « All I Want for Christmas is You » de Mariah Carey. Savoureux et plein de « sass », Christmas with the Puppini Sisters se déguste très bien, sans tomber dans le trop sucré.

4.     Ella Fitzgerald : Wishes you a Swinging Christmas (1960)
Un autre incontournable de Noêl dans le jazz, Ella Fitzgerald Wishes you a Swinging Christmas présente une chanteuse en pleine forme et à l’esprit de Noël au maximum. À l’image de la voix, ses versions des classiques des fêtes sont pures et riches, légeres et profondes, en plus d’être superbes sans trop d’efforts. La joie de La Première Dame du Jazz est évidente à l’écoute de cet album et l’orchestre dirigé par Frank DeVol la met pleinement en valeur. Difficile de résister à cet esprit de Noël, qui peut transformer une moue en un sourire en moins de 4 minutes, le temps d’une chanson.

5.     Donato Leduc Provençal : Noël en Harmonie
Je termine ma sélection des fêtes avec un trio jazz local, composé de piliers de la scène jazz montréalaise : le bassiste Michel Donato, le pianiste Pierre Leduc et le batteur Richard Provençal. Chaleureux, simple et réconfortant, Noël en Harmonie joue dans la cours de A Charlie Brown Christmas, mais on y retrouve une sensibilité un peu plus adulte et mature, propulsée par les trois musiciens. Avec ses 14 pièces de jazz instrumental, l’album rassemble la délicatesse des chants traditionnels à quelques surprises rythmées. Un album qui s’écoute très bien pendant un moment tranquille ou un cocktail entre amis. Disponible à l'écoute sur postedecoute.ca

Et pour finir, quelques pièces de Noël à avoir sur vos iPods ce Noël.

Tchaikovsky : The Nutcracker : Overture (interpretée par Valery Gergiev et le Kirov Orchestra)

Louis Armstrong : 'Zat You Santa Claus?

Nat King Cole : The Christmas Song

Frank Sinatra : Jingle Bells

The Bird & The Bee : Carol of the Bells
 

Bonne écoute et bon temps des fêtes !

Nu Jazz : sensuel mariage de genres

 

Depuis les années 1990, un nouveau vent à souffler sur le jazz. Pour actualiser un genre datant de plusieurs décennies, plusieurs ont commencé à mélanger des éléments du jazz à du funk, de la soul et de l’électronique. Le tout donne naissance au Nu Jazz, aussi appelé jazz électronique. Ce nouveau style englobe autant du live avec des rythmes jazz house, que du jazz improvisé mêlé à de l’électronique. L’électro swing, sur lequel j’écrivais il y a quelques semaines, pourrait donc faire partie de la catégorie nu jazz. Mais encore, la plupart des artistes électroniques présentés dans les billets précédents (Bonobo, Gramophonedzie, Kormac, Parov Stelar, etc.) peuvent aussi être considéré comme des musiciens nu jazz.

Parmi les artistes notoires de ce genre, on retrouve Jaga Jazzist, Funki Porcini, The Herbaliser, Bonobo, Quantic, St Germain, RJD2, Mr Scruff et autres. L’étiquette Ninja Tune signe beaucoup d’artistes de nu jazz, alors que le légendaire label Verve fait aussi des compilations « remix » de vieilles pièces de leur catalogue.

Voici une sélection de quelques albums pour découvrir le genre.

1.     The Herbaliser : Session Two (2009)
Composée de Jake Wherry et Ollie Teeba, la formation anglaise The Herbaliser propose depuis les années 90 une forme jazzée de hip-hop et funk. Avec leurs albums acclamés par la critique, le groupe a aussi fait sa marque pour ses prestations live, s’entourant d’un « big band » pour donner un autre son à leurs pièces. Avec Session Two, le duo capte l’expérience de leur spectacle, s’entourant d’un groupe de 7 musiciens pour ré-enregistrer en version live des pièces électroniques se retrouvant sur leurs 6 opus précédents. Cela montre une toute autre facette à leur répertoire, résultant en un disque instrumental aux couleurs vives de jazz et funk. Un album parfait si vous recherchez une ambiance urbaine à vos soupers et cocktails.

2.     Remixed & Reimagined : Nina Simone (2007)
J’abordais la musique de la grande Nina Simone lors d’un de mes premiers billets, mentionnant son album I Put a Spell on You comme un album à avoir dans sa collection jazz. La chanteuse à la voix distinctive voit ici ses classiques transformés en musique urbaine grâce à l’album Remixed and Reimagined. Des artistes électroniques, tels que ColdCut, Daniel Y, Organica et autres, apposent leurs touches aux succès de Eunice Kathleen Waymon, créant un album ambiant, jazz et funk. On retrouve donc avec joie les chansons originales de Simone, mais repensées au goût du jour.

3.     Kid Koala : 12 bit blues (2012)
Le Montréalais Eric San, mieux connu sous son nom de scène Kid Koala, est un DJ reconnu mondialement pour sa musique juxtaposant des éléments éclectiques, passant du blues au jazz, de cris de koala à du cantonais, en passant par des bouts d'épisodes de Charlie Brown. Je me souviens de l’avoir attraper en spectacle en 2011, vêtu d’un magnifique costume…de koala! Il lançait cet automne 12 Bit Blues via l’étiquette Ninja Tune, album mêlant électronique à des disques de vieux blues et de jazz. Oui, l’album s’appelle « 12 bit blues », mais sans vouloir contredire le titre, il y a des sonorités jazz indéniables. Bref, Kid Koala est le roi du nouveau son vintage!

4.     Capitaine Soldat : Mon Amie la Bouteille (2011)
Autre artiste local nu jazz, Jean-Francois Massicotte-Rousseau, ou Capitaine Soldat, présentait en 2011 son premier opus, Mon Amie la Bouteille, véritable bijou local d’échantillonnages québécois. Contrairement à Kid Koala qui utilise des pièces blues ou jazz provenant de partout dans le monde, le Capitaine colle quant à lui des chansons, discours et monologues québécois à des teintes jazz et électroniques. On découvre alors un disque rythmé et étonnant, qui donne une touche bien de chez nous au nu jazz. En plus, l’album est disponible en téléchargement gratuit sur Bandcamp. On aime ça!

5.     You Don’t Know : Ninja Cuts (2008)
Pour terminer, je vous propose une compilation de l’étiquette Ninja Tune, maître incontesté et référence du nu jazz. You Dont Know : Ninja Tune est la 5ème compilation en 18 ans pour la maison de disques qui abrite Amon Tobin, Mr Scruff, The Cinematic Orchestra, ColdCut, Kid Koala, Blockhead, Bonobo et plusieurs autres. Le triple disque montrait très bien, à sa sortie en 2008, d’où l’étiquette venait et vers quoi elle s’en allait, révélant anciennes pièces, des inédits et des extraits d’albums à venir. Des heures et des heures de découvertes!


Bonne écoute !

vendredi 14 décembre 2012

Billie Holiday : Grey's Anatomy, U2 et Bonobo

 

Chanteuse au talent exceptionnel, Billie Holiday, a.k.a Lady Day, a une voix facilement distinguable, tant elle est unique. Sans être d’une puissance extraordinaire, son ton fragile et texturé a su transmettre à la perfection la profonde émotivité de la chanteuse.
Billie Holiday n’a pas eu la vie aisée : l’artiste a connu de graves problèmes de drogue et d’alcoolisme, de nombreuses peines d’amour, en plus d’avoir eu une enfance traumatisante. Il est facile de penser que la grande émotivité de Holiday est puisée dans les nombreuses complications qu’elle a vécues.

Née en avril 1915 sous le nom Eleanora Fagan à Philadelphie, les parents de la petite Eleanora n’ont que 13 et 17 ans à la naissance de leur fille. Son père, Clarence Halliday, n’est pas marié à sa mère, Sadie Fagan, délaissant cette dernière peu de temps après l’accouchement.
Eleanora vit donc seule avec sa mère, qui a son tour, la laisser vivre avec sa tante, Eva Miller. Holiday ne voit que très peu sa mère dans les 10 premières années de sa vie, puisque Sadie voyage beaucoup dans le cadre de son travail en transportation. La petite Eleanora subit un grave traumatisme, lorsque pendant une sieste avec son arrière-grand-mère, l’ainée meure pendant son sommeil. Eleanora se réveille étranglée par les bras de la morte. L’incident la laissera muette pendant plusieurs semaines.
Holiday se retrouve en réforme juvénile avant d’avoir atteint l’âge de 10 ans, se sauvant souvent de l’école. À 11 ans, elle avait déjà quitté les bancs.

Quelques années plus tard, elle déménage avec sa mère à New York, où elle découvrira, sous la prohibition, les boites clandestines où vibre le jazz. Elle se lit d’amitié avec des musiciens et débute sa carrière à Queens et à Brooklyn. Parmi ses amis musiciens, on dénote son précieux ami et collaborateur Lester « President » Young. À 15 ans, elle se choisit un nom de scène. Elle se souviendra du surnom que son père lui donnait lors de ses rares visites. Ce dernier riait de ses allures de garçon manqué et la surnommait constamment Billy. C’est ainsi que nait son nom de scène Billie Holiday.
Holiday se fait découvrir lors d’une performance en 1933 par un réalisateur pour Columbia.

Malgré des lacunes en éducation musicale, Billie Holiday possède une oreille hors-pair et est une maitre de l’improvisation. Rapidement, elle devient l’une des grandes vedettes du jazz new-yorkais. Contrairement à d’autres chanteuses de l’époque, elle a la possibilité de choisir ses propres chansons et a son mot à dire dans les arrangements. Le tout lui permet de développer son personnage de femme malchanceuse en amour, arborant une grande fleur dans les cheveux pour compléter son costume.

Holiday monte en popularité avec sa chanson « Strange Fruit », recevant une mention dans le magazine Time. Elle reçoit aussi des éloges pour sa chanson « God Bless the Child », inspirée d’une dispute avec sa mère.
Après plusieurs années d’abus d’alcool et de drogues, qui l’ont d’ailleurs mené en cour à plusieurs reprises, la voix de Holiday devient fragile. La différence est notable, notamment sur l’album Lady in Satin, un de ses derniers en carrière. Heureusement, sachant faire passer des émotions fortes comme avant, la pièce principale de l’opus, « I’m a fool to want you », demeure à ce jour l’une des chansons les plus tristes et vibrantes de son répertoire. Ray Ellis, conducteur et arrangeur sur l’album, admet avoir été déçu de la chanson dès la première impression. Après plusieurs écoutes, il réalise l’émotivité crue de la pièce et admet le génie de la performance.

Bille Holiday a aussi été la gardienne d’un jeune Billy Crystal lors de ses années avec Commodore Records. Le père et l’oncle de Billy sont les co-fondateurs de cette étiquette.

En mai 1959, Holiday entre à l’hôpital Metropolitain de New York pour des problèmes au cœur et au foie. Elle se fait arrêté pour possession de drogues, alors qu’elle est toujours alitée. Sa chambre est gardée par des policiers jusqu’à sa mort, en juillet 1959. Elle avait alors 70 sous dans son compte de banque et 750$ dans ses poches.

Musique
Plusieurs artistes ont puisé dans la musique de Holiday pour leur propre matériel.

D’abord, le DJ Pretty Lights a emprunté deux pièces de Holiday pour son matériel. Le musicien, qui était de passage à Montréal lors du Full Flex Express Tour avec Skrillex et Grimes, s’est inspiré des pièces « More Than You Know », « Solitude » et « As Time Goes By » pour ses propres chansons « Someday is Everyday » et « City of One ».


L’artiste électronique Bonobo a utilisé la pièce « Swing Baby Swing » pour le titre « Sugar Rhyme », tiré de son album Animal Magic. La pièce est discernable à partir de 49 secondes.

Le populaire Parov Stelar a aussi pris « My Mother’s Son-in-Law » pour sa composition électro-swing « The Paris Swing Box ».


Le musicien Tricky fait aussi partie du nombre d’artiste ayant puisé dans le répertoire de Holiday, ayant quant à lui puisé dans le classique « God Bless the Child » pour son titre « Carriage for Two ».

Finalement, pour conclure les artistes électroniques, Blockhead s’est inspiré de « Yesterdays » pour créer sa pièce « Triptych, part 2 ».


U2 a rendu hommage à la chanteuse jazz avec la chanson « Angel of Harlem », dédiée à Holiday. Des paroles mentionnent la chanteuse par son surnom, Lady Day : "Lady Day got diamond eyes, she sees the truth behind the lies."

The Magnetic Fields a aussi dédié une pièce à la chanteuse, « My Only Friend ».


Cinéma et télévision
Bille Holiday a été actrice, en plus d’être personnifié par plusieurs femmes. Mais encore, quelques œuvres cinématographiques et télévisuelles font mention de la chanteuse.

D’abord, Holiday a été actrice dans le film New Orleans (1947), dans lequel elle joue une femme de ménage qui est chanteuse le soir. Elle y joue au côté de Louis Armstrong et les deux personnages auront des rapprochements amoureux au cours du film. Voici un passage du film, où on entend Billie Holiday chanter et jouer au piano "Do You Know What It Means to Miss New Orleans". La technologie de l’époque ne permettait pas de tempérer avec le son et d’ajuster la voix, ce qui fait que la justesse de Holiday devient très impressionnante!


La télé-série dramatique Grey’s Anatomy contient aussi un morceau de Billie Holiday, lors de la troisième saison, épisode 8. La chirurgienne Miranda Bailey chante « God Bless the Child » a son enfant via son cellulaire, ne pouvant pas être présente physiquement à la maison à cause de son horaire chargé.

La comique série Sex & the City a aussi fait mention de Billie Holiday, lors de la 4ème saison. Carrie vient de recevoir un article corrigé qu’elle avait écrit pour Vogue, complètement massacré par l’éditrice. Pour la consoler, un éditeur qui aime bien Carrie, lui propose un martini (à 10 heures le matin) et l’introduit à la musique de Billie Holiday, la « seule femme ayant plus mal que toi présentement ».

Finalement, la chanteuse a été personnifiée par plusieurs actrices, dont Ernestine Jackson, Paula Jai Parker et autres. L’interprète la plus connue demeure la grande Diana Ross, dans le film Lady Sings the Blues.

Bonne écoute!

mercredi 12 décembre 2012

Duke Ellington : Ocean's Eleven, L'écume des jours et Broadway



Duke Ellington est l’un des plus grands compositeurs américains, ayant écrit près de 2000 pièces.  Grand pianiste et band leader, cela va de soit que sa contribution au jazz est immense : son utilisation inventive des « big bands », son éloquence et son incroyable charisme ont apparemment élevé la perception du jazz en une forme artistique.

Ellington naît en 1899 à Washington et commence dès l’âge de 7 ans à apprendre le piano. Sa mère, Daisy, lui apprend à être élégant et fait en sorte que son fils soit entouré de nombreuses femmes pour renforcer ses bonnes manières. Ses amis remarquent sa grâce naturelle et son allure de jeune homme noble, lui valant rapidement le surnom de « Duke ».

Durant l’été de 1914, il compose sa première pièce, « Soda Fountain Rag », alors qu’il travaillait dans un café. N’étant pas encore capable de lire ou d’écrire la musique, il retient sa mélodie à l’oreille. Par la suite, Ellington commence à faire quelques spectacles dans les clubs et cafés de Washington. Son attachement pour sa ville natale est si fort qu’il refuse une bourse pour la prestigieuse Pratt Institute. Éventuellement, il déménage à Harlem, devenant une figure du mouvement de la Renaissance de Harlem.

La carrière de Ellington le mène à devenir band leader. La particularité de ce band leader est qu’il dirigeait à partir de son piano, utilisant des gestes et accords au piano pour conduire ses musiciens. Reconnu pour son charme et son humour, Ellington était loin d’être sévère, utilisant plutôt sa personnalité pour mettre de l’ordre.

Après avoir eu un grand succès dans les années 30, Ellington perd en popularité. En 1956, il joue au Newport Jazz Festival et donne une prestation qui passera à l’histoire. Imaginez la scène : il est près de minuit, le claviériste est en retard. Ellington prend la décision de commencer, malgré la soirée bien avancée. Il présente des pièces de son répertoire oublié par le public, avec un interlude par le saxophoniste Paul Gonsalves. L’interminable et épique solo de Gonsalves, l’énergie de Ellington, la folie de la foule et les coups de minuit loin derrière ont résulté en une performance comme jamais vue et entendue auparavant. La soirée a fait la une des journaux internationaux, a eu droit à la première page du Time Magazine, pour finalement être mis sur disque. Le vinyle en question demeure à ce jour le meilleur vendeur de Ellington.

Puisque sa carrière a duré près de 6 décennies, Ellington a connu (et résisté) à plusieurs nouveaux genres de musique : swing, bebop et R&B. Il a même dit du swing : « Le jazz, c’est de la musique. Le swing, c’est de la business ». Il a aussi son opinion sur le bebop, disant que ce genre est « comme jouer au Scrabble sans les voyelles ». Finalement, dans un autre ordre d’idées, il a aussi émis un commentaire sur la grande Peggy Lee, en mentionnant : « Si je suis le Duke, Peggy Lee est la Reine ».

Ellington a connu plusieurs hits durant sa carrière, comme « Mood Indigo », « It don’t mean a thing », « Sophisticated Lady », « Solitude », « In a sentimental mood », « Caravan » et « Take the A train ». Le pianiste fait le tour du monde, jouant partout sur la planète jusqu’à sa mort, en 1974.



Musique
Côté musique, il est évident que Duke Ellington a laissé sa marque. Voici quelques manifestations actuelles de son héritage :

La chanteuse Norah Jones a lancé en 2004 son 2ème album, Sunrise, contenant la pièce « Don’t Miss You At All ». La chanson en question est adaptée de « Melancholia » de Ellington, à laquelle Jones a ajouté des paroles. Le résultat est une pièce simple, jazzée et…mélancolique.

Des centaines d’albums et pièces ont rendu hommage à Ellington. Parmi les pièces les plus connues, on dénote « The Duke » par Dave Brubeck, « He loved him madly » par Miles Davis et « Sir Duke » par Stevie Wonder ». Ella Fitzgerald, Thelonious Mok, Dizzy Gillespie, Tony Bennett, Oscar Peterson et André Prévin sont d’autres quelques exemples de musiciens ayant dédié des pièces aux légendaires pianistes.


Broadway détient aussi un morceau de Duke Ellington dans sa culture, plus particulièrement avec la comédie musicale Sophisticated Ladies. Cette dernière est basée sur la musique de Ellington, qui avait d’ailleurs une pièce intitulée « Sophisticated Ladies ». La comédie musicale a été à l’affiche en 1981.

Cinéma
Duke Ellington a contribué à plusieurs bandes sonores au cours de sa carrière, mais a aussi fait quelques apparitions. Sa trame sonore la plus connue demeure Anatomy of a Murder, film dans lequel il fait d’ailleurs une apparition. La musique du long-métrage est aujourd’hui considérée comme une œuvre significative selon les historiens en cinéma. Selon ces derniers, la musique, marqué par le jazz, évite les stéréotypes culturels, contrairement à ce que se faisait avant. Dans le film, Ellington joue Pie-Eye, le propriétaire d’un restoroute, où deux personnages ont une confrontation.


La pièce « Caravan » fait aussi partie de la trame sonore du populaire film Ocean’s Eleven. La pièce, jouée par Arthur Lyman, peut être entendue lors que Rusty et Danny rencontrent Yen, alors qu’il performe un numéro d’acrobatie dans un cirque.

La musique de Ellington a aussi joué dans d'autres films, notamment dans The Artist, The Notebook, Chocolat, The Matrix, The Big Lebowski, The Addams Family et plusieurs autres.

Finalement, Duke Ellington sera représenté au cinéma par nul autre que Morgan Freeman, dans le film The Jazz Ambassadors, à venir en 2013.

Littérature
Plusieurs ont lu durant leurs années au secondaire le livre de Boris Vian, « L’écume des jours ». À la lecture du roman, il devient évident que Duke Ellington est fortement présent à travers les pages. D’abord, le personnage de Chloé a un prénom inspiré par une chanson de Ellington, intitulé « Chloe (Song of the Swamp) ». Swamp, voulant dire marais en français, réfère aussi à la maladie qui afflige la personnage, c’est-à-dire un nénuphar au poumon. Finalement, le jazz est présent à travers les pages ; Vian écrit délibérément quelques mots avec la lettre Z (doublezons, zonzonner), faisant référence aux deux z de « jazz ». Avec le film qui sortira en salles au printemps 2013, on peut espérer d'entendre beaucoup de Duke Ellington dans la trame sonore!

Duke Ellington partage son amour pour la littérature avec ses albums, dont plusieurs sont influencés par des romans. D’abord, Ellington a mis en musique le bouquin Sweet Thursday de John Steinbeck, avec son album Suite Thursday.

L’album Such Sweet Thunder, quant à lui, est une suite de 12 parties inspirée par Othello de William Shakespeare.

Bonne écoute!